Mémoire de la ligne

Le tramway Decauville de Corbeil—Essonnes
1200 mètres.

Marc André Dubout

Archives communales de Corbeil-Essonnes
D'après le Bulletin de la Société historique de Corbeil, de l'Essonne et de l'Hurepoix (1989).

Alors qu'à partir de 1870, les tramways hippomobiles commencèrent à se développer dans Paris et autour, suivis des tramways à vapeur puis électriques (accumulateurs & trolley), la Sous-Préfecture de Corbeil et sa ville voisine d'Essonnes1, comptaient une dizaine de milliers d'habitants chacune et étaient déjà fortement industrialisées2.


Les Grandes Usines. Études industrielles en France et à l'étranger - J. Turgan
Nouveaux ateliers de la Société anonyme des Établissements Decauville Aîné à Petit-Bourg entre la Seine et la Cie P.L.M.

Le premier tramway qui a circulé en 1890 à Corbeil était à caractère privé. Il fut construit par Paul Decauville qui après avoir fondé la Société anonyme des Établissements Decauville Aîné a souhaité, comme il l'avait déjà fait à l'époque de " Petit Bourg " (commune d'Evry), faire venir de Paris des visiteurs français et étrangers pour leur monter son usine, véritable modèle d'organisation de la production industrielle. Son activité lancée par l'Exposition universelle de 1889 fit de cette usine " La plus grande usine du monde pour les chemins de fer portatifs ".

Archives communales de Corbeil-Essonnes
Description de la ligne, son implantation, la nature de la voie, son itinéraire sur les deux communes de Corbeil et d'Essonnes, l'objectif de sa construction, les tarifs pratiqués et les projets que son succès entraîneraient.

Archives départementales de l'Essonne
Tracé de la ligne rajouté sur l'image. Le Conseil municipal de Corbeil, dans sa séance du 9 novembre 1883, donna lecture du rapport de de la commission sui avait été nommée afin d'examiner la demande de Decauville. la commission autorisa l'établissement de la voie aux conditions suivantes :


La construction de la ligne fut approuvée à ces conditions. En revanche les 5 ou 600 mètres de voie sur la Commune d'Essonnes furent rejetées par le Commission nommée à cet effet au sein du Conseil municipal.

En 1887 Decauville renouvela sa demande par la rue du Chemin de fer3 et le quai de l'Apport Paris, demande acceptés avec quelques petites contraintes supplémentaires dont :

Archives personnelles de Paul Decauville - Archives départementales de l'Essonne
L'Indépendant de Corbeil
de mai 1887 relate que Paul Decauville a commencé à poser sa voie à l'intérieur de ses ateliers, information corroborée par l'Abeille de Corbeil & d'Étampes du 28 novembre 1887. Les voitures4 déjà prêtes à circuler en 1885 avaient été transférées à Deauville où l'industriel possèdait une villa.
Elles étaient exploitées sur une ligne de 2300 m. Deauville—Benerville—Tourgeville à traction hippomobile.

Carte postale
Arrêt à l'évitement de la ligne, presque au droit de la villa de Paul Decauville à Deauville. On distingue (à la loupe) sur l'original) au loin le tramway de sens contraire.

Archives communales de Corbeil-Essonnes
Le type de voitures4 transférées à Deauville, à l'exception du bandeau sur lequel était écrit " Cor bello pace que fidum ". Un cœur fidèle à la guerre et à la paix.

Archives communales de Corbeil-Essonnes
La mise en service eut lieu le ler mars 1888 et à partir de cette date l'annonce des visites des ateliers figurait sur tous les documents publicitaires, affiches et catalogues Decauville. Un calendrier et une fiche horaires étaient également disponibles.
Au début de son exploitation, le tramway était tiré par un cheval, sauf les jours d'affluence où c'était un train de plusieurs voitures tractées par une locomotive à air comprimé5 de 3 tonnes, la vapeur ayant été exclue par la convention qui liait Decauville à la Ville de Corbeil.

Archives communales de Corbeil-Essonnes
On voit sur cette planche d'Émile Bourdelin le tramway hippomobile à l'intérieur de l'usine.


Archives personnelles de Paul Decauville - Archives départementales de l'Essonne
La locomotive à air comprimé n°29 de 3 tonnes qui assurait le service les jours d'affluence.


En 1890, le tramway tiré par un cheval ou par une locomotive de 3 tonnes à air comprimé5, les jours de grande affluence, est remplacé par un tramway électrique à accumulateurs de 32 places assises plus 8 debout.

Archives départementales de l'Essonne (cercle bleu, lieu de l'accident)
Dans l'Abeille du 23 août 1900, on peut lire, que le 18, au croisement de la rue Lucotte3 et de la rue La Fayette, le tramway électrique qui se rendait à la gare de Corbeil pour l'express de 8 heures et demie, dérailla et se renversa à cause d'une pierre coincée dans la gorge du rail. Une personne eut ses vêtements brûlés par l'acide des accumulateurs et le conducteur en fût quitte pour la peur. Des ouvriers de l'usine furent dépêchés pour le relever.

En 1893, la Société Decauville se plaint du montant de 500 Frs de la redevance annuelle. Le Conseil municipal rabaisse cette redevance à 300 Frs en rappelant toutefois à la Société son projet d'établir un vrai tramway, projet qui n'était plus d'actualité pour la Société nouvelle des Établissements Decauville Aîné.

Le tramway circula encore durant les premières années du XXème S., jusqu'en 1905-6 puis fut abandonné comme le projet de tramway vers le quai de la Pêcherie, desservant le centre de Corbeil (séance du Conseil d'Administration du 10 octobre 1902).
Une partie de la voie fut alors démontée. Dans a séance du 18 décembre 1907 du Conseil municipal, est donné le rapport de la Commission des travaux concernant les rails du tramway Decauville que la Ville demande de retirer, conformément à la convention.
En 1908,
la partie restante située entre la gare et la rue La Fayette fut également déferrée.

Le tramway de la gare de Corbeil aux Ateliers Decauville avait vécu.

 
 retour
Notes :
  • 1 Jusqu'en 1951, les villes de Corbeil et d'Essonnes étaient indépendantes.   

    2
    Les Établissements Decauville, la Société des Grands Moulins de Corbeil, la papeterie Darblay, l'imprimerie Crêté, etc.
     
  • 3 La rue du Chemin de fer changea de nom par délibération du Conseil municipal de Corbeil du 16 novembre 1894 pour devenir rue du Général Lucotte. En 1919, elle fut cédée aux Grands Moulins de Corbeil dont elle partageait les terrains et la voirie fut interceptée au niveau de la rue La Fayette.

    4 Les voitures en question étaient celles du catalogue de février 1890, 74ème édition,
    page 45. Cette voiture de type H est une voiture de troisième classe découverte de 16 places, construite pour la traction par cheval, avec freins aux deux extrémités. Elles sont du même modèle que celles des tramways de Versailles et d'Anvers. Elles ont été utilisées avec les wagons du type 66 au service des officiers dans la guerre de Tunisie sur la ligne de Sousse à Kairouan. Le prix était de 1825 Frs, en voie de 60.
  • 5 La locomotive de 3 tonnes à air comprimé de Decauville resta en démonstration à Petit-Bourg durant une quinzaine d'années. C'est elle qui assurait les trains entre la gare de Corbeil et les ateliers. La vapeur était interdite par la Ville de Corbeil, cela dit...
    Voir La Vie du Rail du 20 avril 1885 qui en parle.
    Une autre semblable, l
    a locomotive 020T n°538 de 1881, à air comprimé a été construite par Couillet et livrée en 1897 à Chagnaud, entrepreneur à Paris.

Sources :

  • Decauville ce nom qui fit le tour du monde - Roger Bailly - édition Amattéis - 1989L
  • Les catalogues Decauville
  • Archives communales de Corbeil-Essonnes
  • Archives départementales de l'Essonne
  • Archives personnelles de Paul Decauville 

 

Si une image de cette page vous paraissait non libre de droits, merci de m'en faire part

Page precedente