L'inauguration du T1 (tramway Noisy-le-Sec—Les Courtilles (Asnières-Gennevilliers)

Samedi 17 novembre le T1 prolonge son terminus de St Denis-Gare aux Courtilles (Asnières-Gennevilliers) en passant par l'Île St Denis et Villeneuve-la-Garenne, 4,9 Km de plus dans le département des Hauts-de-Seine.

Sur les traces de ses prédécesseurs les 66, 77 et 78
Ce prolongement est un renouement avec l'histoire du tramway dans cette boucle de la Seine. C'est en 1875 que les premiers tramways hippomobiles apparaissent dans les rues de Paris avec la Compagnie Générale des Omnibus (C.G.O.) qui exploite le trafic parisien. Cent trente ans plus tard le tramway réapparaît sur les traces de l'ancien. C'est ce renouveau que nous allons essayer de vous faire partager en parcourant la ligne sur son nouveau tronçon.

Le nouveau terminus des Courtilles à Asnières-Gennevilliers à l'endroit-même où passait l'ancienne ligne 66 de Colombes à la Madeleine. Vue en direction de Colombes.
Le signal de fin de voie.
Le taquet d'arrêt.
Vue en direction du terminus opposé de Noisy-le-Sec.
La bretelle de changement de voie.
Alors qu'une rame arrive, une autre, celle de droite, s'apprête à partir pour Noisy-le-Sec.
Il est midi, M. Jacques Bourgoin le maire de Gennevilliers et conseiller général des Hauts-de-Seine prononce son discours de bienvenue au tramway sur la ville qui le réclamait depuis longtemps.
Ensuite c'est la musique qui prend le relais. Je décide de suivre le nouveau tronçon de la ligne à pied, histoire de voir dans le détail ce qui à bord d'une rame nous échappe. Et puis il y a des lieux à ne pas rater pour un amateur, les traversées communes avec les anciennes lignes.
Je m'éloigne du terminus où une foule importante s'est rassemblée pour célébrer l'arrivée du nouveau tramway.
Moi j'imagine que je suis rue de Colombes où passait le 66. D'ailleurs le bus est là pour me le rappeler. Aujourd'hui, c'est le 166 qui assure le service mais l'itinéraire à cet endroit est le même. Ici à la station du Luth. Vue en direction de Noisy-le-Sec.
Archives municipales de Gennevilliers
Elle a bien changé la rue de Colombes avec sa voie unique et ses maisons derrière les palissades. Les pavés ont sauté, les arbres ont été coupés, certaines habitations rasées et la route s'est transformée en une large avenue qui verra passer le tramway jusqu'à Nanterre dans le futur.
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Ici avec une motrice A4 qui attend le croisement à l'évitement. Peu de circulation automobile, le chemin de fer et le tramway sont rois... ça ne durera pas, nous sommes avant la première Grande Guerre.
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Gros plan sur le fil aérien avec ici un pontage d'alimentation.
12h15, j'arrive à la station "Le village" haut lieu historique du tramway à Gennevilliers puisque dès 1876 la traction hippomobile de la ligne Place Moncey1— Gennevilliers avait son terminus ici même. Vue en direction de Noisy-le-Sec.

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Il faut donner quelques petites explications pour bien comprendre. Sur le plan ci-contre on a la ligne T1 aujourd'hui inaugurée qui a un tronçon commun avec l'ancienne ligne 66 qui se prolonge à gauche jusqu'à Colombes. En vert l'ancienne ligne 39, la première qui atteignit le centre de Gennevilliers en 1876 avec son petit dépôt ou plutôt sa remise.
Ligne D GennevilliersPlace Moncey au temps des T.P.D.S.2 puis prolongée jusqu'à Madeleine. Elle prend l'indice 39 au temps de la S.T.C.R.P.2
Ligne
DA Colombes-GareMadeleine au temps des T.P.D.S. puis Colombes-GarePorte de Clignancourt indice 66 au temps de la S.T.C.R.P.

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La même vue, hier et aujourd'hui. Le terminus de "Gennevilliers village" (ligne 39). Sur l'ancienne carte, le bistrot qui était au coin à droite a disparu. L'angle coupé à droite existe toujours. La motrice "Gennevilliers"3 à impériale attend le départ à son terminus. Sur la photo de gauche on voit bien le croisement de la ligne 66  avec à gauche direction Colombes et à droite direction La Madeleine. Noter sur les deux clichés l'abri des voyageurs sur la gauche.
La ligne 39 Gennevilliers - Madeleine a été ramenée le 2 mai 1932 à Gennevilliers Porte de Clichy pour être ensuite totalement remplacée par le bus le 14 avril 1936.
La remise a disparu. Aujourd'hui sur les lieux il y a une fouille archéologique. De l'autre côté de la rue les deux premières maisons sont restées en place. Celle du premier plan abritait la poste.
L'ancienne poste aujourd'hui désaffectée. Vue de la rue de Paris (aujourd'hui Gabriel Péri) en direction de la place Voltaire où la ligne 39 rejoignait la 40 ArgenteuilMadeleine.
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Sur la photo de gauche, on dirait bien les restes de la fosse de visite des motrices et à droite des boulons de longerines. Il en reste une devant la fosse.... mais ne rêvons pas.
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Continuons notre chemin rue St Denis aujourd'hui rue Lucien Lanternier et après l'église Sainte Marie-Madeleine, rue Pierre Timbaud.
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Alors que du temps du 66 la voie était unique, sur le T1 la double voie se sépare avant l'église pour se rejoindre avenue du Général De Gaulle. 
On voit bien la courbe à gauche qui va mener la voie dans la rue Félicie.
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Rue St Denis (aujourd'hui rue Pierre Timbaud). Vue en direction du terminus des Courtilles.
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L'entrée de la rue St Denis (aujourd'hui rue Pierre Timbaud). Vue en direction du terminus des Courtilles.
Archives municipales de Gennevilliers

Détail du contournement de l'église par la rue Félicie.
L'endroit où le T1 et l'ancienne ligne 66 se séparent.
L'avenue Louis Roche anciennement avenue de St Ouen que le 66 suivait pour traverser la Seine. La configuration a complètement changé et rien n'est reconnaissable quand on ne connaît pas les lieux..
Notre T1 continue en suivant l'avenue du Général De Gaulle. 
 Et c'est la gare de Gennevilliers  sur la ligne C du RER.
Elle passe sous le pont où il y a une bretelle de raccordement des voies.
et des signaux de vitesse et de limite de manœuvre.
À partir de là, la ligne longe le parc des Chanteraines où un magnifique petit train à vapeur fonctionne les mercredis, samedis, dimanches et jours fériés, de mars à fin octobre.
Le terminus du CFC en correspondance avec le RER C et maintenant le T1.
Puis la ligne passe devant la S.P.A. qui déjà au début du XXème Siècle était un refuge de chiens perdus ou abandonnés. Le refuge aux chiens était à l'époque rue du Moulin de la Tour (actuellement Henri Barbusse).

La station Parc des Chanteraines.
Le feu est au vert en direction de Noisy-le-Sec.
Les deux voies ferrées, au premier plan celles du tramway et derrière la grille, la ligne marron, celle du Chemin de fer des Chanteraines.
La ligne passe ensuite sous le large pont en béton de l'A86.
Gros plan sur le fil aérien et le fil de masse qui relie tous les supports de trolley.
La station des Reniers.
La ligne longe l'usine de "Vlg Chimie", anciennement Rhône-Poulenc Rorer et encore avant Pointet & Girard (1893). C'est dans cette usine que se sont développés les dérivés de quinine, alcaloïde provenant de l'écorce du quinquina et alors beaucoup utilisés pour lutter contre les fièvres. Cette usine produisait également des sels d'iode et de bismuth. Plusieurs missions m'ont amené à travailler dans cette usine que j'affectionnais pour son aspect industriel d'antan.
La station  "La Noue".
Avenue de Verdun, seul témoin du passé, ce vieil immeuble des années trente encore debout mais plus pour longtemps, seuls quelques appartements sont encore occupés.
 
À Villeneuve-la-Garenne c'est aussi la fête devant l'hôtel de ville. Bus, musique et discours.
Des écoliers ont réalisé des dessins évoquant la venue du tramway.
L'avenue Gallieni au temps du terminus du 78 Villeneuve-la-Garenne—St Denis et aujourd'hui. L'ancien terminus était à voie unique sans tiroir ni voie d'évitement, simplement au bord du trottoir et bien sûr...  jamais trop loin d'un bistrot.
Plan des lignes de tramway dans la boucle de la Seine à travers le temps. Le T1 va suivre le même itinéraire que le 78 jusqu'à la gare de St Denis.
Cette ligne portait l'indice VH du 9 novembre 1913 au 1er janvier 1921 et devient 78 avec la STCRP.
La station "Mairie de Villeneuve-la-Garenne".
L'avenue de Gennevilliers vue en direction de Gennevilliers au temps du 78. Sur le pont la voie était double (comme aujourd'hui) à peu près au même endroit mais vue en direction opposée. La largeur de l'avenue de Gennevilliers (aujourd'hui boulevard de Verdun) imposait la voie unique.
Jusqu'en 1842 il y avait un bac bien que le projet d'un pont remonte à 1829. Ce sont les frères Seguin, spécialistes des ponts en fil de fer, qui obtiennent la concession pour 60 ans. L'ancien pont a été peint par Sisley. Noter le poteau, support du fil aérien sur le pont enjambant le petit bras de la Seine.
La rue Mechin n'a pas été élargie, pourtant ce sont deux voies qui y passent. Station de l'Île St Denis.
L'Île St Denis, une des sept communes implantées sur une île fluviale, était reliée par un bac (on ne dit pas s'il était à vapeur !). La rue Mechin avec les rails du 78. Maintenant les rails du T1 ont pris la place. Vue en direction de Villeneuve-la-Garenne, à droite le quai de la Marine. Sur le cliché d'aujourd'hui, le T1passe devant l'hôtel de ville.
Le pont sur la Seine.
Tous les immeubles devenus vétustes ont été rasés dans la rue du Port
Automobilistes attention ! Ce passage est strictement réservé au tramway.
À peu près au même endroit à côté de la gare de St Denis. Ici une motrice à bogies A4M de 25 Cv des T.P.D.S.
L'ancien et le nouveau tramway. Au premier plan les rails du T8 Saint-Denis
ÉpinayVilletaneuse. 

Plus d'info
 
Le chantier avance. Le croisement est déjà posé et les amorces de raccordement aussi. Il ne reste plus qu'à joindre physiquement les deux lignes.

14h27 fin de la découverte de cette nouvelle partie. Ensuite j'ai pris le tramway (motrice 206) en direction de Noisy-le-Sec jusqu'à son terminus et puis retour sur les Courtilles pour finir la balade.


Quelques repères sur les lignes et compagnies évoquées

Ligne Indice Compagnie Longueur ouverture fermeture
Gennevilliers—Place Moncey
Gennevilliers—Madeleine
D4
39
T.N. & T.P.D.S.
S.T.C.R.P.

8,4 Km
18765
1891
1932
Asnières—Madeleine
Colombes—Madeleine
DA
66
T.N. & T.P.D.S.
S.T.C.R.P.
8,6 Km
8,9 Km
1891
1896
1934
Argenteuil—Porte de Clichy AC
40
T.P.D.S.
S.T.C.R.P.
9,7 Km 1913 1936
Asnières—St Denis (Hôpital) ASD
77
T.P.D.S.
S.T.C.R.P.
7,9 Km 1921 1936
Villeneuve—St Denis VH
78
T.P.D.S.
S.T.C.R.P.
3,4 Km 1921 1925

 

Compagnie Sigle Dates
Compagnie Générale des Omnibus C.G.O. 1855-1921
Compagnie des Tramways Nord T.N. 1874-1890
Compagnie de Tramways de Paris et du Département de la Seine T.P.D.S. 1890-1921
Société des Transports en Commun de la Région Parisienne S.T.C.R.P. 1921-1949

Épilogue
Ce tramway T1 avec ce prolongement dans la boucle de Gennevilliers contribue à mailler un réseau entre divers moyens de transport ( RER C, Métro ligne 13, nombreuses lignes d'autobus et ce pour l"avenir du développement de l'Ile-de-France. Cet aménagement du territoire est le résultat d'un contrat État-Région pour lequel l'intégration urbaine des zones pénalisées par la crise économique a été prise en compte en terme de déplacement des populations inscrit dans la politique de la ville. La prochaine étape est le prolongement vers Nanterre pour desservir les autres communes des Hauts-de-Seine (de banlieue à banlieue) sans avoir à passer par Paris et fait partie du prochain contrat de plan.

 



inaugur-t1_075.jpg (57834 octets)

 

 

Notes :
  • 1 Aujourd'hui place Clichy 
  • 2  T.P.D.S. Tramway de Paris et du Département de la Seine (1910)
       S.T.C.R.P. Société des Transports en Commun de la Région Parisienne (1921)

  • inaugur-t1_074.jpg (15538 octets)3  Les motrices "Gennevilliers" étaient à accumulateurs à charge lente. Certaines municipalités (Paris, Neuilly, etc.) n'acceptant pas ou tardivement le fil aérien sur leur territoire les compagnies avaient recours à cette technique. Elles étaient rechargées au dépôt d'Asnières. Le groupe de batteries neuf était substitué à l'usager. Ultérieurement ces motrices continuèrent à être exploitées  et étaient rechargées en service par la ligne aérienne.
  • 4 Le ligne D est électrifiée entre La Madeleine et la Barrière de Clichy. Au delà vers Gennevilliers, c'est une locomotive de type Serpollet de 13 tonnes qui prend la relève. En 1900 pour l'Exposition Universelle, la ligne sera électrifiée par trolley.
  • 5 Traction animale, attelage tiré par deux chevaux et parfois un troisième en renfort pour monter l'avenue de Clichy, vitesse 8 Km/h. La ligne est prolongée de la place Voltaire à Asnières à Gennevilliers-Village en 1877 puis vers le Boulevard Haussmann en 1879 et enfin jusqu'à la Madeleine en 1892 et est remplacée par la traction vapeur (Serpollet). Antérieurement le village était relié par un omnibus à la gare de Colombes (ancêtre de la ligne 66).

Sources :

  • Ma visite de la ligne des Courtilles à St Denis-Gare
  • Les tramways parisiens 2è Édition - Jean Robert - 1959.
  • Archives municipales d'Asnières
  • Archives municipales de Gennevilliers

Sites :

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