Du chemin de terre au chemin de fer

MAD

La voiture à  vapeur de Threvithick et Vivian construite en 1801 roulait sur les routes ordinaires à ornières artificielles. Pour diminuer les effets du frottement important des roues sur le sol, on remplaça les ornières par des bandes de bois parallèles sur la distance à franchir. Cette technique de voies artificielles a été utilisée très tôt (vers la fin fin du XVIIIème Siècle) dans les mines de Newcastle (1) mais la plus ancienne représentation d'un wagonnet circulant sur une voie (platelage en bois) est celle du Graduel de St Dié (entre 1504 et 1514) illustrant l'extraction du minerai de plomb argentifère dans les Vosges. (cf copie ci-jointe in "Le Moyen Age en lumière" page165).
carnet03_7.jpg (62167 octets)Cette technique offrait une économie considérable de la force motrice et on admettait qu'un cheval pouvait tirer sur ces rails une charge triple de celle qu'il pouvait tirer sur les routes ordinaires qui, à l'époque, était des chemins pas toujours empierrés.
Les rails employés étaient en bois de chêne ou de sapin et les madriers avaient une longueur de 1,8 m et fixés sur des traverses espacées de 0,60 m. Ces rails de bois étaient utilisés dans les houillères de Newcastle et celles des comtés de Durham et de Northumberland. Plus dispendieux que les chemins ordinaires, à cause des frais d'établissement et d'entretien, les coûts de ces voies furent vite couverts par les économies réalisées sur les transports. L'usage montra que ces madriers s'usaient très vite et qu'il fallait les renouveler souvent or comme la voie devait garder la même largeur, les attaches détérioraient les traverses qu'il fallait aussi remplacer. Afin d'éviter ces détériorations, l'idée de revêtir les madriers de bandes de fer apparut assez tôt d'abord dans les points singuliers telles courbes et pentes puis sur la totalité de la voie. On s'aperçut alors que cette modification entraînait une bien moindre résistance au roulement et on substitua aux madriers ferrés des rails de fer coulés en fonte. Cette première amélioration notable fut essayée en 1738 (2)et adoptée seulement trente ans après car les rails en fonte cassaient sous la charge des chariots. C'est ainsi que William Reynold, un des propriétaires de la grande fonderie de Colebrook-Dale dans le comté de Shropshire eut l'idée de construire des chariots plus petits qu'on assemblait en "train" de chariots pour mieux répartir la charge à l'essieu.
Les rails en fonte, employés par Reynold présentaient à l'extérieur un rebord saillant destiné à guider la roue du chariot et bien vite le rail s'engorgeait de terre, de poussière et de boue, ce qui ne favorisait pas le roulement. Cette route ferrée retrouvait alors les mêmes inconvénients que les chemins de terre.
Il fallut attendre 1789, sur le chemin de fer des mines de Loughborough, pour utiliser des rails sans rebords. Cette nouvelle voie est due à Jessop qui eut l'idée de transformer la roue plate du chariot en roue munie d'un mentonnet d'un pouce de large afin d'assurer le maintien du wagon sur la voie. Depuis cette date et jusqu'en 1811 tous les rails employés en Grande Bretagne étaient de ce type. La seule évolution résida dans la substitution de fer à la fonte, ce dernier ayant acquis des avantages de résistance, de diminution de coût de production et c'est Stephenson qui l'adopta le premier.
En 1804, Threvithick et Vivian (3) obtinrent un brevet pour faire rouler leur locomotive sur le chemin de fer des mines de Merthyr-Tydvil.
Sur ces voies nouvelles, différents modes de tractions furent utilisés : la crémaillère de Blenkinsop en 1811, le touage de William et Edouard Chapman en 1812, la locomotive à béquilles de Burnton en 1813 dont les pistons n'agissaient non plus sur les roues, mais sur des béquilles qui prenaient alternativement appui sur le sol puis se relevaient pour le mouvement suivant (4).
Il fallut attendre l'observation de Blackett pour se rendre compte que l'adhérence simple permettait aux roues de la locomotive de "mordre sur le rail ". Une série d'expériences montrèrent que le poids de la locomotive était une composante importante de l'adhérence.  Cette découverte libéra le chemin de fer d'un obstacle qui freina, pendant près de dix ans, son développement.
En 1814, George Stephenson sortit sa première véritable "locomotive à chaîne sans fin" à Newcastle. Son poids et ses roues reliées entre elles participèrent directement à l'adhérence. Les rails utilisés à cette époque ne pesaient que 12 à 15 kg/m, ce qui limitait le poids de la chaudière, par conséquent sa surface de chauffe et sa production de vapeur, donc la puissance de la machine.
En 1815 Stephenson et Dodd créèrent la bielle d'accouplement. Ces locomotives évoluèrent sur le chemin de fer des mines de Killingworth et se substituèrent à la traction hippomobile.

La locomotive de Stephenson et Dodd. Les roues sont couplées par une bielle d'accouplement. Les essieux sont calés à 90° pour que la progression du véhicule soit continue.

A partir de cette époque, on pouvait vraiment parler d'une voie de fer.


Notes

(1) Dans le document  Vie de lord Keepernorth, (1696), ces chemins à rails de bois ont existé dans les houillères de Newcastle.
"Il résulte de cette disposition tant de facilité dans le tirage, qu'un seul cheval peut descendre de quatre à cinq chaldrons, ce qui procure aux négociants un avantage immense".

(2) En 1738, les rails de fonte furent pour la première fois, substitués aux rails en bois ; cet essai ne réussit pas complètement parce qu'on continua à employer les chariots de forme ancienne, dont la charge était trop forte pour la fonte. Néanmoins, en 1768, on eut recours à un moyen fort simple, on construisit un certain nombre de chariots de plus petite dimension et on les joignit ensemble et en divisant ainsi la charge, on détruisit la principale cause du peu de succès de la première.

(3) Threvithick et Vivian recommandaient dans leur brevet de faire des aspérités ou des rainures transversales dans la jante des roues de la locomotive afin d'obtenir une meilleure adhérence.
"Entre deux surfaces planes l'adhésion est trop faible, les voitures sont exposées et la force d'impulsion est perdue" (Threvithick et Vivian). Cette idée inexacte est une pure opinion théorique, sans expérience préalable et contribua à ralentir la science des chemins de fer jusqu'à que l'on se rende compte de son inexactitude.

C'est ainsi qu'en 1881 M. Blenkinsop imagina une locomotive à crémaillère munie d'une roue motrice spéciale alors que les autres n'avaient plus qu'une fonction de roues porteuses. Cette disposition loin de favoriser le déplacement augmentait considérablement les frottements et la résistance. Ce système dura cependant douze ans sur le chemin de fer des mines de Middelton.

(4) Il est intéressant de noter que la propulsion à vapeur appliquée à la navigation avait privilégié aussi l'action translative du mouvement à l'action rotative. Ainsi le palmipède (1776) du Marquis de Jouffroy D'Abbans, qui était actionné par une machine à simple effet avait recours à ce mouvement de translation pour actionner les rames.

Sources
  • Les Merveilles de la Science - Description populaire des inventions modernes - Guillaume Louis Figuier - 1868 - Furne, Jouvet et Cie Editeurs. 

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