Le locotracteur Campagne du CFC-1

MAD

1er Mars 1988-1er Mars 1998, dix ans déjà que le Campagne roule au CFC, après sa restauration qui a duré près de 18 mois. Pour l’année de son dixième anniversaire une livrée crème, marron et noire réhaussera son état de présentation en l’inscrivant davantage dans les couleurs habituelles du CFC.

On en profitera également pour faire une révision et terminer les petits détails qu’on ne finit jamais comme l’installation électrique.

Tout commença par un problème comme souvent d’ailleurs...

J. Chapotel qui avait récupéré la 020T Decauville n° 5346 était allé chez M. Gaumont dans l’Eure pour voir ce qui lui restait comme matériel et il acheta un petit locotracteur Decauville bien connu au CFC. Quelques semaines plus tard, le 23 Novembre 1986, en proie avec une négociation qui tournait au vinaigre il y retourna, et je l’accompagnai. M Gaumont nous fit visiter son domaine : le triptyque paradis de la cinématographie, de la vapeur et du chemin de fer à voie étroite. En effet, à Thevray la Ferrière, où il était installé, il y avait un parc abritant un double musée de la machine à vapeur, et des appareils cinématographiques. Et dans le parc, comme il se doit, un chemin de fer en voie de 60. Jean Bernard Mervaux, qui était avec nous avait acheté un petit locotracteur Gmeinder et pour ne pas rester seul spectateur de ces transactions, je me décidai subitement à acheter le locotracteur Campagne dont l’état était piteux mais dont la mécanique m’assurait-on était en ordre de marche. On allait bien voir. Et nous voilà repartis tous les trois dans la froidure sur Paris avec chacun son joujou en tête. Cela dit j’étais un peu inquiet, car vue l’apparence je me demandais si j’avais bien fait d’acquérir ce tas de ferraille, pas très cher, mais enfin, c’était perdu, si je ne pouvais le remettre en route.

Une semaine plus tard, le 29 Novembre, après avoir contacté Panizzi, les deux locotracteurs Decauville et Campagne arrivaient sur un camion.  

Le camion de Pannizi se met en place pour le déchargement.

Le Gmeinder quant à lui avait été transporté dans la propriété de Jean Bernard rejoindre sa grande soeur (020T Decauville) achetée quelques années plus tôt à M. Gaumont avec une chaudière qui venait d’être retubée et dont la mécanique était en excellent état.

Le camion de Panizzi avec les deux locotracteurs se positionne pour le déchargement.

Le premier déchargé comme on le voit sur la photo fut le Decauville n° 643. Il prit donc le N° 4 au CFC (0B0-04) et le Campagne qui suivit, le n°5 (0B0-05).

Sitôt déchargés, les deux locotracteurs sont manoeuvrés sur la voie 9 par le Socofer.

Ca y est, il est sur les rails. On aperçoit l’avant du Decauville à gauche.

Très vite dans le courant Décembre nous avons voulu le mettre en marche. Après vérification de la pompe et du niveau d’huile, nous avons essayé de le faire démarrer en le poussant avec un Socofer sur la voie 1 du dépôt. Après quelques  " teuf teuf ", il est parti à mon grand soulagement. Effectivement, comme le disait le père Gaumont, tout fonctionnait (marche avant/arrière, petite et grande vitesse, embrayage) Le problème s’est posé au moment d’arrêter le moteur, car la commande de câble à partir de la cabine était cassée.

Dans son état d’origine, mais déjà transformé au cours de son passage chez Patry à Persan. L’ensemble de la cabine/capot ne sera pas conservé. Noter la sablière sur le coté de la cabine et le marche pied au dessus des suspensions à ressorts. Lorsqu’il est arrivé, un arbre avait poussé dans la sablière, (on ne le voit pas sur la photo).

Le locotracteur est complètement démonté et les pièces sont mises sur des lorries. De gauche à droite, le moteur, la boîte de vitesse, le châssis.

En Décembre je procédais au démontage complet pour une grande révision. Le premier trimestre 87, je m’occupais du châssis et des essieux, grattage, ponçage, peinture, etc. En Avril je mettais le châssis et les accessoires en peinture et en Mai toute l’infrastructure était remontée, avec quelques modifications (suppression du marche pied au dessus des ressorts à lame) et je commençais à réfléchir comment pouvait être reconstruite l’élévation car tout ce qui était au dessus du châssis n’était pas réutilisable. En Automne le moteur, les essieux, le frein, les attelages étaient remontés. Avec Gilbert, nous avons ressoudé le carter de la boîte de vitesse et changé le flecteur entre le moteur et la boîte. Le 17 Octobre avait lieu la première mise en marche et avant la fin de l’année le locotracteur était opérationnel.

Le problème était maintenant de savoir quelle forme donner à cet engin, déjà transformé au cours de sa carrière et dont je n’avais pas les dessins de son état d’origine.

Le catalogue " Automobiles sur rails - E. Campagne " de 1914, ne présentait pas ce modèle, mais un modèle plus ancien. Seuls les principaux traits étaient reconnaissables (commande de frein, réservoir, capot, extrémités relevées du châssis, ressorts à lames, toit).

Locotracteur Campagne issu du catalogue. Le prolongement du baldaquin et les montants à l’avant ont été rajoutés à titre d’essai.

A cette époque je venais de changer de profession et je rentrais chez Rhône-Poulenc avec comme outil de travail et fidèle compagnon un micro ordinateur sur lequel je pouvais dessiner. C’est au bureau que j’ai carrossé en partie mon locotracteur.

Ne pouvant lui redonner son aspect d’origine, seule une figure libre était réalisable sans aucun rapport avec la réalité. Les idées directrices qui guidèrent mon choix étaient :

- garder les caractéristiques " Campagne "

- intégration au gabarit du CFC (1,80 m de largeur)

- attelage compatible

- pouvant transporter plusieurs personnes

- un brin d’originalité dans l’aspect...

...alors j’ai dessiné ceci

C’était jouable, avec un petit air draisine. Ce qui n’infirmait pas l’esprit de E. Campagne car une grande partie du matériel qu’il proposait à travers son catalogue concernait précisément les draisines.

Sur mes dessins, les dimensions étaient mentionnées, je n’avais plus qu’à commander les tôles pour passer à la construction. Nous étions en Janvier 1988. 

La nouvelle conception impliquait une reconstruction du support du réservoir de fuel qui aujourd’hui est sous le capot mais qui à l’origine était un élément inscrit entre le capot et la cabine. Ce support joue également le rôle de point d’ancrage de la cabine.

En fait de la superstructure, je n’ai gardé que les volets et les cornières courbées du capot

Le premier travail était d’élargir l’ensemble du châssis pour l’étendre au gabarit CFC. Pour ce faire, j’ai pris appui sur les bords du châssis et une série de triangulations en UPN reposant sur le bas du châssis supporte la plate forme sur l’ensemble de la longueur. A chaque extrémité des tôles ferment la plate-forme en la rigidifiant. 

Le plancher est posé et l’élévation de la cabine prend forme. Un marchepied sur toute la longueur permettra un accès facile dans la cabine et sur les parties latérales.

Les tôles qui forment l’élévation de la cabine ont été vissées sur des cornières, elles-mêmes vissées sur le châssis. Le bord haut a été reconstruit à partir des UPN d’origine rallongés et les mains courantes ont été réutilisées telles quelles.

Le Campagne et la 030T côte à côte devant le dépôt. Au centre de profil Guy Pérève. Noter la fumée qui sort du tuyau d’échappement.

En Avril, j’ai reconstruit le capot à partir des cornières d’origine. La difficulté a été au niveau des courbures car un peu au-delà sur la face avant, un découpage permettant l’aération du moteur a rendu fragile le pliage de la tôle. Celle-ci a eu du mal à conserver son parallélisme, d’ailleurs le capot est toujours un peu de guingois. Il est simplement posé sur le châssis et maintenu par des taquets.

Pas encore terminé en cet hiver 87/88, mais déjà affecté aux manoeuvres. Jean Bernard Mervaux charge les bidons d’huile sur le wagonnet pour aller graisser les aiguilles en ligne.

Phase suivante, l’amorce du capot. Ici photographié au terminus " Passage de Verdure ". Noter la plaque tournante à gauche.

Avec Gilbert et Bernard Boileau sur la passerelle en cet hiver 87/88. Le châssis n’est pas encore peint. Vue nos positions respectives, on doit refouler.

En Juin j’attaquais le baldaquin. Alors pourquoi un baldaquin ? Eh bien parce que dans le catalogue Campagne que je possède, sont présentées essentiellement des draisines. Campagne était spécialisé dans la construction de draisines variées (inspection, travaux, à moteur ou sans, etc.) et une des caractéristiques de ces draisines est qu’elles ont un baldaquin qui leur donne un aspect bien reconnaissable. Il faut dire que Campagne à la différence des autres concurrents de l’époque s’était spécialisé dans les " Automobiles sur rails ".

Draisine Campagne avec baldaquin n° 40 bis catalogue de 1914.

Ne pouvant être d’un seul tenant, le baldaquin est formé de trois tôles vissées les unes aux autres par recouvrement. On a utilisé cette technique pour la toiture de la deuxième voiture fermée.

Pour monter les tôles de 24 Kg sur la structure du toit, je me suis aidé du grand établi en bois qui était près de l’actuelle voie 9. Des tréteaux montés sur l’établi, puis des planches posées entre ces tréteaux et le montant du toit m’ont permis sans trop d’effort de faire riper les tôles à bonne hauteur.

En ce mois de Juin 88, j’ai passé plus d’une douzaine de soirées au dépôt, travaillant parfois jusqu’à deux heures du matin pour que le locotracteur soit fini avant l’été. Le dernier travail ayant été la pose des marchepieds en bois. Deux planches d’un seul tenant m’ont été gracieusement données par un entrepreneur qui travaillait sur le parc. Je n’ai eu qu’à les percer pour les mettre en place et en Juillet avant mon départ en vacances, le Campagne était achevé. Enfin presque car il y a encore aujourd’hui des choses qui n’ont jamais été terminées (l’éclairage).

La construction du capot et la pose du baldaquin ont été les points difficiles de cette réalisation.

Au dépôt avec le train de service. Il a bien un aspect d’une draisine " Campagne " telle qu’on pourrait la voir dans un catalogue actuel 

Toujours au dépôt, mais en mauvaise posture. Encore un portail qui n’a pas résisté.

Avec le train de travaux sur la voie d’accès à la ligne.

Autre élément pour compléter cette petite histoire : la Cloche.

La cloche vient d’un collier de vache dont le troupeau appartenait à un proche de mon grand-père dans le département de l’Ain. Elle m’a été donnée par mon père avec la recommandation " d’y faire attention ".

Comme un avertisseur est obligatoire sur un engin de traction au CFC et que la cloche se retrouve de temps à autre comme accessoire dans le domaine du chemin de fer, je n’ai pas hésité à l’utiliser pour l’usage que l’on sait, et elle y fait merveille.

Ont participé à cette aventure :

Jean-Michel Baudin, Dubout, Gilbert Dumy, Max Fermant, Jean Claude Lalande, Jean Bernard Mervaux, Jean Marc Yot.

Les caractéristiques techniques

Moteur DEUTZ F3L 912 de 42 Cv, boîte 2 vitesses avec inverseur transmission par chaînes

poids en ordre de marche

4,000 t

longueur hors tout

3,500 m

largeur hors tout

1,700 m

hauteur

2,500 m

empattement

0,900 m

effort au crochet

entre 600 et 800 Kg

vitesse

16 Km/h

équipement électrique

12 volts

Son histoire 

Ce locotracteur type TD-52 a été construit en 1928 (?) par E. Campagne 45 Boulevard de Belleville à Paris 11ème, sous le n° 4075. A l’origine il était pourvu d’un moteur à essence.

 

Logo des Etablissements E. Campagne & Cie. Ingénieurs-constructeurs E.C.P. - A&M. Fournisseurs des Ministères de la Guerre, des Colonies, des Travaux Publics etc.

QUADRICYCLES

DRAISINES

AUTOMOTRICES

LOCOMOTIVES

à Moteurs

à Pétrole

Locotracteur Campagne objet d’une publicité.

On le retrouve aux Sablières de Nemours où il a passé une grande partie de sa carrière avec six locotracteurs du même constructeur type TC ou TS tous de 1928 .

- n°1166 moteur CLM-CR2S (20 cv) préservé par M Hummel

- n° 5214 0C0.

- quatre autres de numéro inconnu.

Un des six locotracteurs Campagne devant le dépôt vapeur " La fontaine sèche " (27/4/1963, photo J. Bazin).
" Fontainebleau-Nemours des chemins de fer de sablières au Tacot des Lacs " 1989 Chaintreau éd. Amattéis. 

Il était affecté soit en carrière, soit au dépôt. Il passe ensuite chez Campenon Bernard une entreprise de travaux publics.

Transformé et re-motorisé par L Patry (je en sais pas si c’est avant ou après), il est acquis par M. Gaumont à Thevray la Ferrière

Acheté le 23 Novembre 1986, il est arrivé le 29 Novembre au CFC.

Mise en circulation sur le CFC le 1er Mars 1988, sous le numéro 0B0-05, il est affecté aux manoeuvres et trains de travaux. Il a assuré néanmoins quelques journées d’exploitation avec une baladeuse et quelques réservations avec une baladeuse et la voiture fermée.

Seul les roulements avant ont été changés suite à un grippage sur les voies du dépôt (usure).

Un locotracteur semblable apparaît sur une photo du livre "Le Chemin de fer de l’Est de Lyon ". Ce locotracteur du type TD46 a été acquis le 5 Septembre 1946 par la carrière de ballast de Crémieu et porte le numéro 4058 il est équipé d’un moteur CLM de 24 Cv. Cette information démentirait donc la date de celui du CFC dont le numéro est 4075 (type TD-52), donc année 1946 ou ultérieure.

Locotracteur Campagne N°4058 dans la carrière de Crémieu. On reconnaît bien l’allure générale avec les volets du capot, et la pièce de tôle sur le capot qui permet l’aération du moteur.
En 1996, cinq wagonnets à benne basculante étaient encore sur l’estacade de transbordement.

Toute information complémentaire est la bienvenue.

Epilogue

En 2004, c'est à dire 16 ans après sa mise en service,  deux pannes sont survenues :

Hormis ces deux incidents qui somme toute relève plus de l'entretien que de la réparation, il nous a rendu moulte services, assurant sa mission sans défaillir

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