Le chemin de fer de l’usine des eaux

Marc A. Dubout

carnet1_09.jpg (68355 octets)Sur le Mont Valérien à cheval sur les communes de Nanterre et de Suresnes une usine de traitement de l’eau a été construite au début du siècle. Sa fonction est de pomper l’eau de la Seine, et de la rendre consommable au robinet après traitement.

Schéma de l’implantation du réseau avec les 9 plaques tournantes La date encadrée correspond au démontage des tranches 

Pour ce faire la technique utilisée à cette époque était la filtration lente qui consiste à mettre l’eau dans des bassins de décantation pourvus de briques filtrantes et de sable. Par gravité l’eau s’infiltre et ressort pure. Le renouvellement du sable de surface imposait un moyen de transport du sable pollué vers une station de lavage puis sa remise dans le bassin. Pour ce faire un réseau en voie de 60 a été installé autour des bassins pour que les wagonnets à benne basculante puissent accéder en tout point pour l ’acheminement du sable. Le réseau ainsi constitué comprenait environ 750 m de voie de 60 dont les rails étaient tirefonnés directement sur le ciment. Une autre partie de la voie était constituée de voie portative de 7,5 et 9,5 Kg au mètre.

Profil de rail acier proposé dans le catalogue Chauvineau. Référencé n°12.

Un jeu de 9 plaques tournantes reliait les voies entre elles.  

 

Plaque tournante avec cuvelage en fonte, monté sur bille référencée n°222 (cat. Chauvineau)

La matériel roulant se composait de 7 wagonnets à benne basculante de 750 litres,

 

Wagonnet à benne basculante de 750 litres semblable à ceux qui ont été ferraillés à l’exception des embouts dépourvus d’attelage et muni de poignée pour la pousse manuelle. Référencé n°48 (cat. Chauvineau)

 

Wagonnet plate-forme type normal (référencé n°130 cat. Chauvineau)

3 wagonnets plate-forme pour le transport de matériel divers, et 2 wagonnets porte " sauterelle " qui servaient à remplir les bennes à partir des bassins en contre bas. La traction était humaine. L’ensemble du réseau était de construction Chauvineau à Villeneuve-la-Garenne bien que certains éléments de rail portent la marque Decauville. Il y a quelques années les méthodes de filtration ayant changé (filtration chimique) le réseau était devenu inutile et l’ensemble du matériel remisé en bon état au fond de l’usine. J’ai toujours connu ce réseau depuis ma plus tendre enfance. A chaque fois que je passais par l’usine des eaux j’éprouvais du plaisir à regarder les wagonnets stationnés à des endroits très variés.

Différents courriers échangés avec la direction m’ont informé un jour que l’usine était d’accord pour donner l’ensemble au CFC et au printemps 96 je pénétrais à l’intérieur de l’usine avec le responsable pour voir de près le matériel.

Les rails étaient en bon état général, ainsi que les plaques tournantes. Des éléments de voie portative qui servaient temporairement étaient alignés et stockés avec deux dérailleurs.

Au fond de l’usine, les wagonnets bien rangés sur une voie prévue à cet effet.

Les bennes basculées pour éviter leur rétention d’eau de pluie, étaient peintes en gris et les châssis de différents couleurs sans doute pour les différencier. Les sauterelles qui servaient au chargement étaient stockées dans le parc à ferraille. Je notais tout ce qui était disponible sur mon carnet pour en rendre compte au CFC le samedi suivant.

Hélas, nous ne pûmes intervenir qu’au printemps suivant à cause du plan vigipirate.

Le matériel roulant stocké au fond de l’usine avec les bennes basculantes de 750 litres et de fabrication CHAUVINEAU et des wagonnets plateau pour le transport du matériel (Toutes photos M. Dubuis)

Nous commençâmes à déferrer le 23 Mars avec Michel, Jean-Pierre et François. Malheureusement après un mois d’interruption, les wagonnets ont été ferraillés et perdus à jamais. Il ne restait que la voie et les plaques tournantes à récupérer. L’opération a consisté à retirer les rails et voies portatives, et les stocker au fond de l’usine dans une cour accessible à un camion. Le travail allait être fastidieux et de longue haleine. Cela dura tout le printemps à raison de deux, parfois trois séances le soir après le travail sous une chaleur difficilement supportable. Enfin, en Septembre, tout était fini et un camion ramenait aux CFC 7 tonnes de rails, les plaques tournantes et le seul wagonnet qui avait été épargné.

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.Passage de la première plaque tournante avec le chalumeau sur le wagonnet plat récupéré. Le reste du matériel suit.

Sur le bord d’un des bassins Jean-Pierre et Marc acheminent le chalumeau pour couper les tire-fonds qui retiennent les rails

 

CONSTRUCTION DE MATERIEL DE CHEMIN DE FER ET D’ENTREPRISES

Ets CHAUVINEAU

Le constructeur de chemin de fer portatif CHAUVINEAU est assez peu connu par rapport à d’autres comme Decauville, Popineau, Pétolat, Orenstein & Koppel, Weitz, etc. Je n’ai, en tout et pour tout vu que deux feuillets lui servant de catalogue (col. Ph. Ravé) avec les dessins des divers wagonnets, essieux, profils de rail, plaques tournantes. 

A en croire l’en-tête du feuillet 100, les " Etablissements Chauvineau " étaient domiciliés au 221 Boulevard Galliéni à Villeneuve-la-Garenne, probablement en face de l’actuelle mairie 

Chauvineau était un des fournisseurs officiels des " Ministères de la Guerre, de la Marine, de l’Air, de l’Armement, des Colonies, des Ponts et Chaussées, de la SNCF ", etc. pour lesquels il proposait des berlines de mines, wagonnets, aiguillages, croisements, dérailleurs, voies étroites et normales, ainsi que des pièces de rechange. 

Un document de l’usines des Eaux malheureusement non daté mentionne une adresse ultérieure des " Anciens Etablissements Chauvineau S.A. " à Persan - 95, rue Edmond Bourgeois. A l’heure actuelle, nous n’en savons guère plus.

(Ndlr Toute information ou complément à cet article est le bienvenu) 

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