Pour que la Mémoire ne meurt

Le petit train de l'ancienne scierie de Marchenoir

Marc André Dubout

 La forêt de Marchenoir

La forêt de Marchenoir apparaît comme une butte orientée Nord-Ouest-Sud-Est, séparant la Petite Beauce (bassins de la Cisse et du Réveillon) et la Grande Beauce bassins de l'Aigre et du Ru d'Écoman).
Cette vaste et ancienne forêt (Jules César en fait mention dans "La Guerre des Gaulles") de plus de 5 000 ha s’étend sur 11 communes du Loir-et-Cher. Elle occupe une lentille d’argiles à silex au sein du plateau de Beauce. Ce massif presque entièrement privé est majoritairement occupé par de la Chênaie.
Maintenant destinée à l’exploitation forestière et à la chasse, la forêt de Marchenoir marque tout à la fois le paysage et une limite historique. Place forte des comtes de Blois vers leurs possessions du Dunois (Châteaudun et Chartres), « Marchaisnoir » (1188) comprenait, outre la forteresse, une double enceinte fortifiée et constituait un point stratégique au sud de la forêt et au carrefour des voies antiques de Chartres à Blois et d’Orléans au Mans. Si les derniers vestiges (remparts, donjon cylindriques du XIIème siècle) n’existent plus guère que pour mémoire, la « maison du Bourreau » et le portail polylobé de l’église Notre-Dame (XIIIème siècle) constituent des témoignages encore très visibles de l’histoire locale.
Cette forêt fut également désignée sous les vocables de
Sylvalonia ou encore Sylvalonga.


Carte Michelin n°64 pli 7

Carte du Bureau de Recherches géologiques et minières.

Laissons place à la description délicieusement poétique de l'Extrait du journal des débats politiques et littéraires du 28 avril 1908. 
Sur cette plaine monotone et morose, vide et comme infinie l'œil cherche en vain l'oasis féconde, génératrice de ces grumes. La forêt de Marchenoir, n'apparaît d'abord que comme un brouillard voilant les clochers lointains, puis soudain, à quelques kilomètres seulement, comme un épais rideau tiré entre les champs de blé du Vendômois et les glèbes du Dunois, isolée des grandes voies, sise à plus de 20 kilomètres de Blois, Beaugency, Châteaudun ou Vendôme, à plus de 40 Km de la Forêt d'Orléans" la forêt de Marchenoir s'étend sur une longueur de 7 kilomètres et une largeur de 4.
Parcellée régulièrement, chaque carreau de coupe mesurait 425 m de côté et était délimité par un pied dit "cornier".
En comptant approximativement 174 carrés de coupe à 18,06 Ha l'unité on obtient 31,43 Ha de futaie.
Dès 1888, la forêt est traversée du Nord au Sud par la ligne des Tramways du Loir-et-Cher où un embranchement particulier entrait dans le chantier de la scierie afin de pouvoir charger directement les wagons in situ, sans avoir à transborder le bois à la gare de Marchenoir-St Léonard éloignée de quelques kilomètres.

Offrant une végétation vigoureuse et de puissantes réserves, les Ducs de Luynes et de Noailles, propriétaires de la forêt songèrent à tirer profit de la richesse accumulée c'est ainsi que vers 1905 une Société concessionnaire fut constituée sous la présidence de M. Vizcaya pour en exploiter les bois. Cette même année, "237 hectares de taillis furent mis en vente avec une réserve de seulement 52 baliveaux de toute dimension à l'hectare". N'ayant pu faire honneur à ses affaires, la Société fut dissoute et remplacée par la Société française d'exploitation forestière (1907) sous la Présidence de M. Franqueville avec l'objectif de réaliser 80.000 m3 de bois-d'oeuvre tout en continuant l'exploitation des taillis. La Société avait deux banquiers : le Crédit Lyonnais et une maison de Cologne ou de Francfort. Le montant du capital de cette Société s'élevait à 1.600.000 Francs et les ducs de Luynes et de Noailles en furent partie prenante.
En novembre 1907, 66 hectares de taillis avec une réserve de 69 baliveaux à l'hectare furent mis en vente.
Le cahier des charges prévoyait que "les taillis fussent coupés à la cognée, le plus près possible de terre, sans endommager les racines qui devront rester en terre".

La forêt de Marchenoir à partir de ce moment s'est subitement réveillée de sa léthargie séculaire qui en fit sa richesse. Elle réveilla par ailleurs des animosités locales eu égard à la population autochtone qui ayant des prétentions de soldes trop élevées se vit écartée au profit de bûcherons Berrichons et Belges moins gourmands.
Cette situation nouvelle se substitua aux tâches hivernales que les habitants locaux inoccupés l'hiver avaient l'habitude de pratiquer afin d'améliorer leur ordinaire. Il en était de même pour les marchands de bois dont la concurrence acharnée s'est subitement effacée devant le monopole affirmé par la Société exploitante.
Il faut dire que les années précédentes, de nombreuses grèves de bûcherons eurent lieu dans les forêts de Fréteval, d'Écoman et de Marchenoir. Des bûcherons avaient été licenciés, le désaccord portait sur la quantité de callots6 que les ouvriers avaient le droit de garder pour eux-mêmes. Dans les années 1900, les associations fraternelles de bûcherons reprirent mais avec beaucoup mois de vigueur que dans les années 1894-95.

Le contexte syndical des bûcherons de la forêt de Marchenoir au début 1900.

 

Cette parenthèse de courte durée a été un épiphénomène dans la vie séculaire de la forêt qui est retombée dans sa nonchalance extrême et accueillante rythmée par la nature simplement.

* * *

Mais promenons-nous dans les bois au fil des cartes postales dont l'objectif a fixé pour toujours les hommes au travail, les modes de vie précaire, les techniques désuètes alors employées, les paysages aujourd'hui disparus.

Souvent, c'est derrière les pas du père que les enfants devinrent bûcherons mais les premières tâches n'étaient pas l'abattage mais le débitage de la charbonnette2 et il fallait couper droit pour ne pas gâcher inutilement les coups de scie à bûche.
L'abattage se faisait à la cognée, le sciage au passe-partout plus commode et que l'on graissait pour qu'il glisse mieux.
Les équarrisseurs dans une coupe de futaie. Tout comme les scieurs de long ces ouvriers voyageaient de chantier en chantier, ils se sentaient libres et proches de la nature. 
Les scieurs de long étaient deux : le chevrier perché sur la chèvre et le renardier, jambes écartées, dans la partie inférieure. Il suffisait ensuite de suivre le tracé sur la bille.
Les madriers ainsi débités servaient en charpente.
Ils besognaient à la demande, les sédentaires habitaient des cabanes en bois proche de la scierie.
Au fond les chevaux. Celui de gauche est attelé à la charrette, celui de droite attend pour le débardage.
Les écorceurs avec au fond la hutte, (cul-de-Loup ou loge selon que l'on se trouve en Sologne ou en Pithiverais) qui servait d'habitation pour les saisonniers. 
Les premiers ouvriers qui vinrent pour abattre les arbres furent des bûcherons Piémontais, suivis peu après des Belges. Il se logeaient en pleine forêt dans des huttes faites de mottes de terre circulaires montées en forme de cônes. On nommait ces huttes "Culs de loup" (d'après Monsieur Henri Terrier d'Autainville).
Sur cette carte postale, on distingue la cognée3 utilisée pour abattre les arbres et fendre les bûches. 
Les personnages qui portent la casquette semblent être les gardes ou inspecteurs forestiers attentifs au bon respect des coupes, et garants des affaires de police forestière tandis que l'homme au chapeau doit être le directeur de la scierie.
Une coupe de futaie. Les bûcherons, outils à la main au sein de l'ancienne exploitation. Ces hommes libres aimaient vivre au fond des bois sans dieu ni maître.
Rappelons que La masse volumique brute : masse brute/volume avec écorce pour le chêne est de 0,95 t/m3.
La voie du Decauville au cœur de la forêt. La maréchalerie pose pour le photographe. 
Le bâtiment est toujours debout aujourd'hui. Une plaque Château de l'Étoile y est apposée.
D'après Monsieur Henri Terrier, cette maréchalerie forte de 18 chevaux était située au croisement de la route du Baron et de la route du Ramage qui relie Autainville à St Léonard-en-Beauce.
À titre indicatif, le prix de la journée de deux chevaux avec leur conducteur dans les Vosges était de 16 fr .
Dans les deux cas, pour m'être rendu sur place, plus aucune trace n'est visible aujourd'hui et ne permet d'opter pour l'un ou l'autre endroit.
Le bois abattu et débité était débardé par les chevaux qui le sortaient des coupes jusqu'au bord du chemin pour être ensuite chargé sur des charrettes ou sur les wagonnets du chemin de fer forestier.
Ce sont les chevaux qui vont tirer les wagons jusqu'à la scierie. Au fond deux wagons à traverses pivotantes chargés de grumes attendent d'être acheminés vers la scierie.
Ces deux cartes postales sont sans doute antérieures au roulage par locomotive dont la première n'apparaît qu'à l'automne 1903. 
Type de wagon pour les transport de bois de chauffage avec deux ridelles d'extrémité. Ceux-ci sont munis d'une plate-forme serre-frein.

Dans son ouvrage "Construction et exploitation des chemins de fer à voie de 60" - 1891, M. Régis Tartary mentionne que les chevaux peuvent parcourir 30 Km par jour dont la moitié en wagons chargés et l'autre en vides. Un cheval peut tracter deux couples de grumiers d'une charge pouvant atteindre 7500 Kg. On peut en déduire une desserte de la forêt en direction de chacun des quatre points cardinaux rayonnant à partir du parc à grumes de la scierie soit 4 fois 10 Km.

La voie du Decauville, route du Baron, longe les habitations des ouvriers en face de la scierie.
Au premier plan la voie mène à la scierie.
Vue en direction Nord-Ouest. À droite, la même prise de vue en juillet 2018. La route du Baron existe toujours et sa tenue de voirie est bien carrossable.
Vue en sens opposé, vers le carrefour de l'Étoile (Juillet 2018). La scierie était sur la gauche et la voie Decauville sur l'accotement droit de la route du Baron. À droite de la route se tenaient les logements des bûcherons.
Aujourd'hui, il ne reste absolument aucune trace comme si la scierie n'avait pas existé. Même l'œil averti ne peut soupçonner son existence.
La Route Sainte Barbe perpendiculaire à la route du Baron (la scierie était à gauche). Point 41 sur la carte.
À Droite la route Sainte Barbe en direction de Marchenoir. Quelques centaines de mètres plus loin, elle était rejointe par la voie du tacot qui la suivait en accotement jusqu'à la gare de Marchenoir-St Léonard.
La route de Motteux perpendiculaire à la route du Baron. Point 49 sur la carte.
Aujourd'hui le quadrillage n'est plus aussi évident, certaines allées sont difficilement reconnaissables.

L'acheminement des grumes
L'acheminement des grumes se faisait par un chemin de fer Decauville dont la longueur était de 40 Km. "La forêt de Marchenoir est devenue une fourmilière ou une ruche de vie intense. Sur toutes les avenues, des trains courent sur des rails Decauville, drainant vers le siège central de l'exploitation ou vers Autainville, les grumes, les traverses, les poteaux de mine. Partout des chênes gisent lamentables sous la feuillée. Des chevaux vont les chercher dans les taillis et les transportent vers les artères principales dotées de 40 kilomètres de voies ferrées".
La forêt était quadrillée d'allées plus ou moins importantes (il y a un peu plus de 130 Km. d'allées). On peut penser que les 40 Km correspondent approximativement à 100 allées de 425 m. de côté). 
Une voie ferrée prendra moins de terrain à la forêt, exigera moins de terrassements, et se prêtera bien mieux à la condition de choisir un bon matériel roulant au transport de longs bois.
Une étude des prix de transport d'une tonne de bois dans la forêt de Senones (Vosges) donne 0,31 Fr de la tonne kilométrique. À cela il faut rajouter (par tonne) 0,40 Fr pour le chargement, 0,25  Fr pour le déchargement des grumes, 0,30 Fr pour le chargement et idem pour le déchargement des bois fabriqués (planches).
Le poids d'un mètre cube de bois de service ou d'industrie est compté à 750 Kg. Pour un stère de bois de chauffage on comptera 500 Kg.


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La voie du Decauville fut le plus souvent photographiée en accotement de la route du Baron comme l'attestent plusieurs cartes postales. Les grumes étaient chargées sur des wagons à traverses pivotantes reliés entre eux par des barres d'attelages dont les dimensions dépendaient de la longueur des grumes.
Vue en direction de la scierie.
La locomotive devait être chauffée au bois qui ne manquait pas dans cette région.
Noter l'absence de tôle à l'arrière de la machine.
D'après l'Extrait du journal des débats politiques et littéraires du 28 avril 1908, une quarantaine de kilomètres de voie Decauville parcourait les allées de la forêt. 
On peut raisonnablement imaginer que des voies mobiles étaient posées pour des chantiers temporaires puis démontées à la fin de l'abattage.
On retrouve bien, au regard de la capacité maximale des deux wagonnets Decauville type 60, le chargement du couple grumier attelé à la locomotive à vapeur : deux billes de deux à trois tonnes et une éventuelle surbille.
Photo prise en juillet 2018 au même endroit.
Type de wagons utilisés pour le transport des grumes d'après le catalogue Decauville de 1889.
Caractéristique du wagon Decauville.
Type de wagon évoqué dans l'ouvrage de M. Edmond Thiéry.

Dans son ouvrage "Construction et exploitation des chemins de fer à voie de 60" - 1891, M. Régis Tartary mentionne une proportion de 1 wagon à marchandises de 900 Kg de tare et 3000 Kg de force portative au kilomètre, ce qui pour une longueur de réseau de 40 Km. reviendrait à 40 wagons pouvant former 20 couples grumiers.

La "Grande Scierie"
C'est le nom que les habitants de la région lui attribuaient. Installée, au cœur de la forêt (carreau de coupe n°41), sur la route du Baron entre les routes de Motteux et de Sainte Barbe, à l'intersection avec la ligne des tramways du Loir-et-Cher (TLC).
En reprenant le témoignage manuscrit de Monsieur Henri Terrier d'Autainville1 "En 1905, le Duc de Luyne, propriétaire de la très belle forêt de Marchenoir, avait vendu au baron de Vizcaya pour, dit-on à l'époque, 7 millions et demi de francs, somme fabuleuse compte-tenu de la valeur de la monnaie française de cette époque. Pour cette somme, parait-il seuls les arbres étaient propriété de l'acheteur, le duc de Luynes restait propriétaire du terrain.
Il y avait dans cette forêt de très beaux chênes. Le chêne en était presque exclusivement l'essence qui croissait en ces lieux".
La scierie commença son activité en juillet 1906 et cessa définitivement en 1909. Elle travailla exactement 2 ans et 7 mois. À ce rythme, elle aurait fait disparaître complètement la forêt en très peu de temps. En effet, l'Extrait du journal des débats politiques et littéraires du 28 avril 1908 mentionne une population de 70 ouvriers, plus 23 chargeurs et charretiers. On estimait à l'époque qu'elle pourrait fonctionner six ans à plein rendement, elle a fonctionné en réalité seulement la moitié de cette durée.
Mise en liquidation, la vente de la scierie eut lieu en mars 1911.

Plan supposé de la scierie (carreau de coupe n°41) en fonction de l'observation des cartes postales.

Le carrefour de l'Étoile (route du Baron et route du Comte) avec la présence de la voie ferrée. À gauche la voie se dirige vers la scierie.
À cet endroit la voie semble quitter la route du Baron pour s'enfoncer en forêt (vers la droite). 
Le lieu actuel est méconnaissable. La route principale au premier plan relie Marchenoir à Lorges.

Le parc à grumes
Les grumes étaient acheminées à la scierie par le petit chemin de fer Decauville et stockées à l'extérieur dans le parc à grumes qui formait le stock de l'entreprise. Avec l'apparition du chemin de fer forestier, l'usage du tri sur coupe s'efface. En effet, il arrivait que certaines d'entre elles soient fendues, ou atteintes de pourriture, etc.
Les bois nets de nœuds destinés à la construction ou à l'industrie et ceux, noueux dont le meilleur parti est le débit en planches, sont triés sur le chantier même à proximité du lieu de transformation. 
D'autre part l'enlèvement des bois se fait plus rapidement et l'établissement d'une voie ferrée mobile temporaire cause mois de dégâts que l'introduction de chevaux et de voitures au milieu de peuplement jeune et délicat.

L'aire d'approvisionnement des grumes déjà coupées à longueur et transportées sur des wagonnets poussés par les ouvriers.
Au fond à gauche, la maison du directeur et les bureaux. À droite, le bâtiment qui abritait les bancs de scie.
Les bâtiments qui abritaient les bancs de scie et au premier plan la voie Decauville qui desservait le parc à grumes et les aires de stockage des planches et autres produits finis, poteaux de mine, piquets, sans compter l'évacuation des dosses, etc.
La grande cheminée que l'on voit sur plusieurs cartes postales est certainement celle de la chaudière qui alimentait la machine à vapeur de 250 Cv.
À peu près la même vue avec en gros plan les bâtiments (bancs de scie et magasin).
Par ailleurs, le banc de scie était actionné par une machine à vapeur.
Sur la carte postale de droite on remarque une autre voie Decauville qui se détache vers la droite ce qui confirme la mobilité du plan des voies.
Sur la carte de gauche, on distingue au fond la locomotives, cheminée vers la gauche.
L'homme au chapeau et manteau, présent sur plusieurs cartes postales devait être le directeur en personne (peut-être Monsieur Franqueville).
La route du Baron (direction N-O) peut-être au début de l'exploitation vu le défrichage sévère de quelques hectares nécessaires à l'implantation du chantier. 
Les chevaux s'apprêtent à tracter les wagonnets chargés de planches et non pas de rails comme le mentionne la carte postale. Cela dit, les voies portatives permettaient comme lors de la Grande Guerre d'accéder à des chantiers temporaires, le temps de l'abattage puis la voie était ensuite démontée pour être remontée ailleurs. C'est en cette mobilité que réside la vertu du chemin de fer portatif.
Noter la présence de la  locomotive au bout du chemin.
À droite la même prise de vue 110 ans plus tard. Il ne reste rien de cette activité aujourd'hui oubliée. 

Peu de contemporains connaissent l'existence de cette vie forestière qui avant la Grande Guerre a occupé et fait vivre des familles au cœur de cette forêt de Marchenoir.

L'embranchement particulier (EP) 
La scierie était embranchée sur la ligne Orléans—Bois—Vendôme, 
La création de la ligne Blois—Ouzouer-le-Marché des TLC en 1888 qui traverse la forêt de Marchenoir du nord au sud a permis l'implantation d'un embranchement particulier vers la scierie facilitant largement le transport des bois.
La pointe de l'aiguille était  en pleine voie, au PK 36,976, orientée, coté Orléans.


Archives du Loir-&-Cher AD_41_5_S_485_a, b

Locomotive 030T Blanc Misseron bi-cabine du Tacot Orléans—Blois passe le long de la scierie et va couper la route du Baron dont on distingue la voie Decauville en accotement. À cet endroit il existait une halte dite de la "Barrière" nom absent des horaires du chemin de fer mais qui apparaît sur une carte de la forêt. Il doit-être 10h44 ou 17h40, d'après l'horaire des Tramways du Loir-et-Cher.
Au centre, le bâtiment des bureaux et à droite la maison du directeur.
Le train vient de quitter la gare d'Autainville et se dirige vers la gare de Marchenoir-St Léonard puis Oucques (bifurcation) et Blois.
À droite, la même vue en juillet 2018.
Gros plan sur les bureaux avec en arrière-plan le passage d'un train mixte de la ligne Orléans—Blois se dirigeant vers Marchenoir. 
Noter au premier plan, la voie de 60 qui dessert le chantier des grumes vu précédemment.
La halte de la "Barrière". À gauche de la voie métrique, les bureaux et en arrière-plan la maison du directeur de l'exploitation.
Au fond le PN avec la route du Baron. La voie de 60 devait couper à niveau la voie métrique à cet endroit.
Vue en direction de Blois. À droite, la même vue en juillet 2018, on reconnaît bien la courbe sur la droite.
Le ballast a complètement disparu. Dans le Bulletin municipal 2010 de Saint Léonard-en-Beauce, suite à la fermeture de la ligne, la Municipalité aurait, en 1937, accepté d'acheter 500 m3 de pierre provenant du ballast de l'ancienne voie du tramway pour la somme de 3.000 Francs.
Vue de l'embranchement particulier (EP). La ligne Orléans—Blois passait à l'arrière plan, devant la rangée d'arbres.
Noter à gauche la présence du petit bâtiment des bureaux.
La scierie de Marchenoir était embranchée et dans la zone de chargement deux voies de 60 reliées par des plaques tournantes longeaient la voie métrique, d'autres la coupaient en certains endroits.
L'embranchement en voie métrique et la voie de 60 qui la longe. À l'extrême droite on distingue la voie de la ligne Orléans—Blois où elle se raccorde. Au centre la maison du directeur de l'exploitation.
La voie métrique se raccorde à droite à la ligne des TCL. Noter la qualité du ballast.

La maison du directeur et les bureaux
La maison du directeur et les bureaux étaient situés route du Baron en pleine forêt au croisement de la route et de la voie métrique de la ligne Orléans—Blois.
Elle aurait brûlé dans les années 1970 et par conséquent disparu. Seul le soubassement en pierre demeure avec les escaliers d'accès.

La route du Baron et la voie ferrée forestière.
La maison du directeur est en retrait derrière le garage. L'automobile va bien avec le chapeau et le manteau noir du personnage.
Ce serait une Panhard 1908.
La maison du directeur et le garage donnant sur la route du Baron. Au premier plan la voie de Decauville avec contre-rails. À l'extrême gauche l'amorce d'une bifurcation en direction des logements ouvriers.
Des ouvriers en bottes et sabots posent pour la photo.
L'arrière de la maison avec le perron dont on voit les restes sur la photo de juillet 2018.
Noter la voie de 60 qui passe tout près de la maison.
Dans les ruines, j'ai retrouvé un rail de chemin de fer mais certainement pas du Decauville vu sa hauteur par rapport à la pièce de monnaie, c'est plutôt du 30 ou 40 Kg au mètre linéaire.
Il reste l'escalier à l'arrière de la maison. Celle-ci aurait subi un incendie il y a une quarantaine d'années.
La maison du directeur de l'exploitation vue de l'intérieur de la scierie. Le petit bâtiment des bureaux est en construction. 
La
ligne Orléans—Blois passe au fond derrière la clôture et devant la rangée d'arbres.
À gauche l'aire des grumes équarries. La carte postale est datée de l'été 1907, un an après la création du chantier.
Noter au premier plan l'estacade mobile composée de tréteaux pour le déchargement des grumes (rustique mais sans doute efficace).
L'escalier devant la maison et le perron a été remplacé par un escalier en pierre qui existe toujours.
Entre le bureau en construction et l'arbre, sont stockés des rails et des aiguillages.

Les bâtiments
Les bâtiments sont construits en bois et tuiles de manière économique. 

Les bâtiments, façade nord et façade sud. Traitement du bois à la vapeur d'eau, à des fins de conservation (dessévage) ou pour le ramollir avant cintrage, tranchage et déroulage.
Sur la photo de gauche on remarque le réverbère devant le bâtiment. Les ouvriers travaillaient jusqu'à 19 heures et l'hiver, ce réverbère servait à éclairer la chantier. 
Il a existé des scieries qui oeuvraient jour et nuit.
Les bâtiments et le parc à grumes. D'après une autre carte postale, le bâtiment au bout de la voie (à droite) serait le dépôt des machines.
Noter la présence du réverbère.
Façade Est des bâtiments. Cette carte nous renseigne sur la configuration du réseau Decauville. 
Le bâtiment perpendiculaire (à droite) sera démoli et laissera place à un autre construit parallèlement à celui qui abrite la cheminée, comme sur les clichés précédents.

Le banc de sciage
Les grumes (appelées aussi billes) étaient ensuite apportées sur le banc de sciage pour y être débitées une par une.
Le sciage des grumes se faisait longitudinalement, par des plans parallèles à un axe approximatif. La première et la dernière lame de bois sont des dosses qui contiennent essentiellement de l'écorce et de l'aubier et qui iront directement au rebut ou dans la chaudière de la machine à vapeur. Les tranches suivantes s'appellent des plots. Les opérations ultérieures de transformation étant à la charge de l'utilisateur final qui transforme les planches en produit fini. En France, l'unité conventionnelle de travail en sciage est le "pouce du Roi", soit 27 mm. On a ainsi des plots de 1", 2", 3", 4", etc. Les largeurs courantes vont de 1" à 12".
En fonction des commandes reçues dans l'entreprise, l'ouvrier saisit l'épaisseur du bois à découper et règle sa lame en tenant compte de son épaisseur. L'épaisseur du trait de scie, conséquence de l'épaisseur de la lame est de 1 mm pour une scie à ruban jusqu'à 5 mm pour une scie circulaire. La longueur est définie par le tronçonnage des grumes et la largeur par le diamètre de la bille. 
Aujourd'hui ces mesures se font de manière automatique par des caméras. 
La bille passe plusieurs fois au niveau de la scie à ruban (ou scie de tête) si le banc n'en compte qu'une, ou ne fait qu'un seul passage si plusieurs scies sont associées les unes aux autres. Les scies peuvent être de simples scies circulaires classiques ou de grands rubans également circulaires.
En matière de bois de structure, la plupart des sections portent un nom dérivé de l'usage qui en est fait en construction : madrier, bastaing, chevron, liteau, volige, planche, etc.
Pour faire tourner la scierie, "une machine à vapeur de 250 Cv actionnait les 14 bancs de scie, circulaires, à ruban ou alternatives. En outre elle produisait de l'électricité pour éclairer le chantier dont le travail se terminait à 19 heures." C'est sans doute le sifflet de la machine qui ordonnait la "prise" et la "fin" de service. 
En visitant la scierie musée de Sainte-Croix-aux-Mines, on se rend compte que le sous-sol d'une scierie, qu'on ne voit que rarement, est le haut lieu de la transmission des machines par arbre, renvois, poulies et courroies. C'est là que le bâti des machines est fortement ancré et scellé dans le sol dans des blocs de pierre ou de béton. On y trouve également la transformation des chutes et la récupération des sciures qui alimentent la machine à vapeur à raison de deux caisses toutes les dix minutes.

L'intérieur du grand bâtiment construit en charpente avec un toit de tuiles.
Les scies étaient alternatives, circulaires ou à rubans.
Ici, une scie circulaire au centre de la photo. Les dents de la scie devaient être affûtées et avoyées c'est à dire avoir une certaine inclinaison alternativement de part et d'autre de la lame de façon à ce que la lame ne se coince pas dans le bois. Le creux entre deux dents devait être arrondi pour qu'il n'y ait d'amorce de rupture.
Banc de scie verticale à rubans. Les lames de scie sont adaptées en fonction des essences de bois résineux ou feuillus. Les dents sont, elles, adaptées selon qu'il s'agisse d'un bois dur (le chêne) ou d'un bois tendre (merisier).
Intérieur du bâtiment. Les grumes sont acheminées une à une sur un wagonnet jusqu'au banc de scie où elles sont immobilisées avant d'être transformées en merrains (bois de chêne, de châtaignier, débité en planches).

Les logements ouvriers
En face de la scierie, de l'autre côté de la route du Baron, un coron fait de maisons de bois avait été construit pour loger les ouvriers étrangers à la région et leur famille. Ceux de la région qui travaillaient sur le chantier, habitaient les communes voisines à quelques kilomètres autour de la forêt.

Pour créer un lieu de vie, un puits de 97 mètres fut creusé en bordure de la route. Une pompe remontait l'eau dans un château d'eau composé d'une cuve rivetée posée sur un socle en maçonnerie. Le tout était abrité sous un édifice en ciment.
Caractéristiques du puits d'après le Bulletin de la Société d'histoire naturelle de Loir-et-Cher - 1908 page 318
Couches traversées
Il alimentait en eau les ouvriers et la machine à vapeur de 250 Cv qui faisait tourner les machines. 

Comme dans beaucoup d'autres scieries, les ouvriers étaient logés avec leur nichée dans des baraquements de fortune auprès du chantier. Photo prise en hiver route du Baron bordée de cabanes en bois qui abritaient les familles de bûcherons.
D'autres moins sédentaires restaient en forêt et logeaient dans des huttes construites à l'aide de branches recouvertes de mousse et de terre avec pour seul ouverture une porte toujours située au levant pour éviter les fortes pluies.
Noter la voie au premier plan qui se dirige vers la scierie. Vue en direction Nord-Ouest.
Les corons pour loger les ouvriers et leur famille. Un alignement de baraques en bois sommairement construites le long de la route à proximité de la scierie.
"Une vingtaine de maisons construites, tant pour les ménages qui auraient dû se loger à trop grande distance que pour les célibataires qui eussent difficilement trouvé, à des prix raisonnables, un domicile à St Léonard ou Marchenoir-Ville. Ces derniers sont logés dans un local commun. Aucun débit n'existe au voisinage du hameau et l'hygiène des travailleurs n'en est qu'améliorée".

Les chemins de fer forestiers
Les chemins de fer forestiers sont globalement contemporains de l'apparition des chemins de fer portatifs, tel que les avaient imaginés, inventés et mis en oeuvre conjointement Paul Decauville et le Capitaine Prosper Péchot en 1888.
La construction d'un chemin de fer forestier est favorable au développement du grand commerce qui demande à écouler sa marchandise le plus vite possible.
Dans son ouvrage "Petits chemins de fer forestiers" - 1892 - (Edmond Thiéry 1841-19??), le professeur Thiéry (Professeur à l'École nationale des Eaux et Forêts de Nancy) s'inspire de ce mode de manutention déjà en pratique en Suisse et en Allemagne dans le Bulletin de la Société industrielle de l'Est.
Il aborde dans son ouvrage l'établissement de la voie, le matériel roulant, et les conditions pour lesquelles il y a intérêt à introduire des voies ferrées dans les forêts. Cette étude, très détaillée et alimentée des techniques en vigueur à l'époque, examine les arguments développés par les utilisateurs contemporains comme les grandes compagnies.
Il fait, pour la voie, référence à la Maison Decauville et au chemin de fer d'Abreschviller.
Si l'on compare les coefficients de roulement des divers modes de transport, sur voie ferrée il est de 0,006, sur les chemins empierrés de 0,03 - 0,07 et sur les chemins en terrain naturel de 0,10 on se rend compte que sur une voie ferrée, il faut cinq fois moins d'effort que sur un chemin empierré et 17 fois moins que sur une allée en terrain naturel comme il est question à Marchenoir. Par ailleurs, la forêt de Marchenoir n'ayant pas de déclivités notables, le rapport entre les coefficients de roulement reste constant. En effet, les rampes et pentes l'auraient fait varier considérablement.
Un autre aspect des bienfaits de l'implantation d'une voie ferrée sont les avantages résultant d'une économie importante dans les frais de transport. À ce sujet, il serait intéressant de savoir si la création des allées est contemporaine de la mise en oeuvre du chantier ou antérieure au projet.
Le prix du transport sur un chemin naturel était, l'époque de 4 Frs la tonne. Avec la pose d'une voie ferrée il s'abaisse à 1,6 Fr la tonne. L'empierrement du chemin pour le roulage aurait rendu le prix à 2,4 Frs la tonne. 
Dans le cas où aucun chemin n'existerait la largeur à créer pour la pose d'une voie ferrée aurait été de 2 m. au lieu de 5 m. pour une route empierrée.

La Voie 
La voie était posée en accotement à même le sol avec ballast. Elle avait un travelage assez serré et était bien dressée sur la route du Baron. Le rail était au moins du 9,5 Kg ce qui permettait de supporter une charge de 3000 Kg à l'essieu.
Le gabarit d'une largeur habituelle de 1,80 m. laissait une largeur libre pour les rouliers ou charrons de 5 m. 
Le ballast remplit des conditions multiples. Tout d'abord, c'est lui qui assure la stabilisation de la voie et donc la transition entre la charge des essieux et la plate-forme. Il faut que les traverses soient soigneusement bourrées à la batte de façon à ce que le ballast soit bien appuyé contre la traverse. Si cette dernière est en fer, l'auge renversée formée par la traverse doit être complètement garnie. Il assure en outre la circulation de l'eau de manière à ce qu'elle ne puisse stagner autour des traverses et des rails. Pour ce type de voie étroite, le cube de ballast est d'environ 400 m3 au kilomètre mais on peut penser que cette valeur préconisée par les manuels de travaux publics ne soit pas atteinte par souci d'économie et de temps de pose.
La route du Baron mainte fois photographiée est, semble-t-il par sa position, l'artère principale aboutissant à la scierie et certaines cartes postales montrent que ces dispositions semblent avoir été remplies. Il doit en être autrement pour les autres routes y menant où les voies mobiles sont simplement jetées et éclissées à la demande d'autant que la topographie n'est pas accidentée.
Les courbes pouvaient descendre à 30 m. de rayon. Cette valeur pouvant être encore diminuée sur le chantier ou à l'intérieur des carreaux de coupe. En ouvrant ou serrant les joints de voie, on peut se donner une certaine souplesse dans les raccordements.

Les locomotives de Marchenoir
Il y eut 3 locomotives à Marchenoir deux Decauville type 34 et une O&K non identifiée.

Les locomotives Decauville du type 3
Les machines Decauville du type 3 de 5 tonnes à vide et 6 t. en ordre de marche ont 4 roues couplées. L'essieu arrière est commandé par la bielle motrice et celui d'avant par une bielle d'accouplement.
Les roues ont un diamètre de 60 cm. au roulement. Les bandages sont en acier laminé, les rayons et le moyeu en fer forgé. La saillie du mentonnet est de 22 millimètres.
Le foyer est en cuivre rouge entretoisé, la grille en fer forgé assemblée avec des triangles.
La chaudière est en tôle de 22 millimètres d'épaisseur avec double rivure. Les tubes au nombre de 51 sont en laiton et ont un diamètre intérieur de 40 mm. et une épaisseur de 3. Ils sont sertis sur les plaques tubulaires (côté foyer et boîte à fumée). Le timbre de la chaudière est de 12 bar. Dans les forêts, la cheminée est de type "américain" avec une grille empêchant la projections de flammèches. Le cendrier est basculant.
La distribution est du type Waelscherts. Le frein à vis agit par l'intermédiaire de sabots en bois ou en fonte sur l'essieu arrière.
Coté plate-forme, la chaudière présente tous les accessoires de sécurité et de conduite de la machine : niveau d'eau et jauges, manomètre, injecteurs et sifflet. Une pompe alimentaire, est asservi sur le mécanisme pour introduire l'eau dans la chaudière. À l'arrêt ce sont les injecteurs qui assurent cette fonction.
L'approvisionnement en charbon ou en bois est stocké dans des caisses donnant accès à l'intérieur de la cabine. L'eau est stockée dans des soutes latérales, le long de la chaudière. Leur contenance est de 500 litres. Leur remplissage peut se faire à partir de mares grâce à un éjecteur Friedman. Il faut environ 5 minutes pour remplir les 500 litres d'eau.
La machine est munie de soupapes de sécurité et d'une sablière.
Les machines de type 3 peuvent fournir sans tender, un trajet de 12 à 15 kilomètres en remorquant 15 à 20 tonnes utiles avec des rampes allant jusqu'à 15 millimètres par mètres.
Une machine de ce type valait à l'époque 14 800 Francs.
En accotement de la route du Baron. 
La petite Decauville tire ses wagonnets chargés de grumes en direction de la scierie.
Le train est arrêté, (le régulateur est fermé).
Noter la qualité de pose de voie portative.
Vue en direction de ??
La locomotive Decauville type 3 refoule son train de grumes et entre dans la scierie.
À droite, une autre photo un peu différente, peut-être le même jour, vu la barre d'attelage longue entre deux wagons au niveau du fossé et la présence de la carriole derrière le train mais les personnages ont changé et sur celle de droite il n'y a pas de fumée.
Vues en direction Nord-Ouest.
Même prise de vue en juillet 2018. À droite de la photo, là où se trouvait le chantier (méconnaissable), à gauche où se trouvaient les logements-ouvriers.
La 020T Decauville type 3 de 5 tonnes n°431 de 1905, livrée le 12 décembre à Pellerin, Paris.
Cette machine classée MH appartient au Musée des Transports de Pithiviers (Loiret).
Manœuvre de la locomotive dans la scierie.
Noter la présence du réverbère que l'on voit sur d'autre photographies.
Cliché non identifié intitulé "Climat de Motteux". Motteux est le nom de la route perpendiculaire à la route du Baron. On y voit la petite Decauville et la voie le long d'un bâtiment en bois non identifié. Cependant sur l'affiche on peut lire (avec une loupe) "Fête" (le reste est illisible). Peut-être s'agit-il de cette fête foraine du 15 juin 1907 où "manèges, bal, boutiques et buvettes firent beaucoup d'affaires. Le temps était très beau et l'affluence nombreuse. Pour 50 centimes on pouvait visiter la scierie et ou garer sa bicyclette".
Une voie était peut-être posée sur la route de Motteux ?
Une autre machine qui semble être une 020T O&K avec sa cabine fermée et hublots ovoïdes, sa cheminée fine et élevée et sur le corps de la virole le dôme de prise de vapeur et devant la cabine, la sablière rectangulaire bien reconnaissable.
Monsieur Henri Terrier mentionne la présence de deux locomotives pour assurer la manutention, ce que confirme les cartes postales : une Decauville type 3 et une 020T O&K non identifiée
.
Une autre photo où apparaît la petite 020T O&K à droite du cliché. Au fond le dépôt.

Le chêne
Le chêne présente un bois dur et résistant ce qui  valorise son utilisation en ébénisterie et en menuiserie. Sa densité est comprise entre 0,61 et 0,98. Il peut vivre jusqu'à 600 ans mais dès le XVIIème Siècle on s'accordait à le couper à l'âge de 250 à 300 ans. Cet âge, aujourd'hui, par souci d'économie et de rentabilité tend à se réduire.
Sa forte teneur en tanin le protège contre les champignons et le insectes. Son bois est prisé depuis le Moyen-Âge et sous Louis XIV, Colbert le faisait abattre en forêt de Tronçais pour la construction navale et autres constructions de charpente en bois (églises, châteaux, monuments historiques).
Il est utilisé également en menuiserie, en parqueterie et en tonnellerie. Les fûts de vin, cognac, whisky fabriqués en chêne favorisent le vieillissement des spiritueux et contribuent à leur saveur. 
Pour connaître le volume et la valeur des bois d'œuvre, on mesure le diamètre de la grume à 1,30 m. et des barèmes de cubage donnent le volume en fonction de la distance du sol aux premières branches.
On distingue 4 classes de qualité de bois qui donneront du merrain pour la meilleure qualité, des plots ou planches non délignées pour la deuxième, de la charpente et des avivés7 pour la parqueterie, ou enfin le bois à usage industriel : traverses de chemin de fer, palettes, etc.
À droite, le chêne Pattu mesurant 9 mètres de circonférence aux racines.

Épilogue
Dans le journal La Croix n°7862 du jeudi 12 Novembre 1908 troisième colonne dans la rubrique "Chambre des Députés", "Budget de l'agriculture" on peut lire..."La destruction des forêts qui depuis quelques années se poursuit pour le plus grand préjudice de la richesse nationale".
L'article site les cinq principaux destructeurs au nombre desquels, "la Société Viscaya en Loir-et-Cher (forêt de Marchenoir) où 3500 hectares ont disparu, une scierie s'est installée au beau milieu de la forêt dont les deux tiers sont déjà ruinés."
Cette critique rappelle que la coupe doit normalement être à la fois opération de récolte et opération de culture, ce qui n'était pas la préoccupation principale en forêt de Machenoir.
Contrairement à l'approche de l'art forestier né au XVIIIème S. et appliqué aux forêts domaniales, l'activité de cette forêt était purement économique avec une vision moderne pour l'époque, de la mécanisation industrielle (machine à vapeur, bancs de scie divers, chemin de fer à voie étroite, etc.).

* * *

Tout semble avoir disparu à une date inconnue après la cessation de l'activité en 1911. Ce serait à cause de la vétusté des bâtiments construits à l'économie, vu l'éphémérité de l'exploitation, qu'aucune trace de bâtis n'a subsisté. Le matériel a dû être revendu, c'est le cas de la locomotive Decauville type 3 qui est passée aux sucreries Retheloises, les constructions en bois ont été démolies et la nature a repris tout naturellement sa place. Les belles allées rectilignes superbement tracées, elles aussi ont disparu sous la végétation à l'exception de quelques-unes encore nécessaires à l'entretien de la forêt et pour la chasse.
En effet sur le site pas de marques au sol à l'endroit où se trouvaient les édifices. La maison du directeur, le garage, le bureau n'ont pas laissé de marques au sol, pas non plus les deux grands bâtiments qui abritaient les bancs de scie. Il ne reste absolument rien. Le ballast de l'ancienne ligne de chemin de fer a également disparu.

Homme libre, toujours tu chériras la forêt

* * *

Cliché non identifié. La cheminée, sur la gauche semble être celle d'une locomobile dont on distingue à peine le volant. Celle de droite derrière la carriole est peut-être une autre locomobile.
Les bâtiments ne livrent pas d'information précise sur l'endroit.
Serait-ce la scierie mobile à Marchenoir de M. Arthur Mathieu & Fils aîné ?
Maison fondée en 1870 - bois de construction - plusieurs fois médaillé.
25 route de Flandre à Aubervilliers.
Ou alors ce cliché correspond-t-il à la réinstallation de la scierie par les commandos forestiers américains, du fait d’une signature "James" en bas à droite et du tarif de l'affranchissement de 15 centimes alors que pour la France il était de 5 centimes seulement  à cette époque. Autre élément caractéristique : la tente en forme de tipi ?

En 1917, le Camp forestier de Marchenoir, composé de bûcherons et d'ingénieurs fut créé pour produire des traverses de chemin de fer. Le camp se trouvait à la croisée des chemins de Marchenoir, Lorges, et Le Plessis l'Échelle au lieu-dit de l'Étoile.
La scierie abandonnée en 1911 reprit-elle alors de l'activité ? 
Il fallait compter cinq jours pour installer complètement une scierie. Des Américains importèrent des scieries modernes actionnées par des machines à vapeur qui étaient prévues pour produire de 3 à 6000 mètres linéaires de bois scié par jour. 
Selon Gérard Boutet dans son livre "Les Forestiers", les Américains qui "bivouaquaient à l'Étoile et à la Grande Scierie pour s'éviter d'épater les arbres qu'ils devaient abattre, ils les coupaient à un mètre du sol. Un massacre... Les passe-partout américains, bien affûtés, avaient beaucoup plus de mordant " que ceux des gens du cru.
Selon une information orale, la scierie aurait été équipée (date inconnue) pour adapter le cas échéant des mitrailleuses.


Le chantier J. Borderel
Peu d'information sur ce chantier, sis en ou près de la forêt, hormis les quelques cartes postales de l'époque qui nous en donnent une idée de l'importance.

Autre activité en cette forêt de Marchenoir, la fabrication de frises pour parquet manutentionnées par voie étroite.
Depuis toujours le chêne répond aux exigences des connaisseurs. La forêt de Marchenoir fournissait les bois utilisés pour la fabrication des parquets en chêne.
L'aire de stockage des bois.
Action de Cinq cents Francs, au porteur, du chantier de construction J. Borderel.
Le siège social est à Paris 135 ou 138 rue de Clignancourt dans le 18ème. Ce titre porte le n° 7.248

La gare de Machenoir-St Léonard8
Située sur le bord de la route reliant les deux villages, la gare en portait les deux noms. Elle a été construite en 1897 onze ans après l'établissement de la ligne Orléans—Blois par Oucques avec embranchement vers Vendôme et Châteaudun des TELC5. Lors de la construction de la ligne en 1888, ce n'était qu'une simple halte sans abri pour les voyageurs. C'est la commune de Marchenoir qui supporta les frais de la construction. En 1931 la gare reçut l'électricité.
Les produits finis étaient ensuite expédiés par le chemin de fer en gare de Marchenoir-St Léonard. Les wagons chargés à la scierie y stationnaient dans l'attente d'être attelés à un train de marchandises.

Située entre Saint Léonard et Marchenoir, la gare comportait une voie d'évitement.
La gare de Marchenoir avant la Grande Guerre. Un train venant de Oucques (petite étoile ferroviaire au croisement des lignes Orléans—Blois, et Blois—Châteaudun et embranchement vers Vendôme) se dirige vers Orléans.
Sur la voie d'évitement un ou plusieurs wagons plats chargés sur l'embranchement de la scierie stationnent en attente d'un patachon qui les emmènera.
Les charrettes chargées de bois sont également présentes.
Vue en direction d'Ouzouer-le-Marché. Noter la grande quantité de bois provenant de la scierie. Les deux wagons plats sont chargés de poteaux de mine. À côté se trouve un  stock de traverses de chemin de fer.
Un train mixte traverse la route et va entrer en gare de Marchenoir-St Léonard en direction de Oucques.
Un train en direction de Oucques. Sur la voie d'évitement stationne un wagon couvert.
Noter la voie perpendiculaire desservant le quai haut et raccordée à la voie d'évitement par une plaque tournante comme cela se faisait à l'époque sur les chemins de fer départementaux.
Affluence en gare de Marchenoir-St Léonard. Sans doute un jour de marché  dans une ville voisine.
La locomotive est une Blanc-Misseron.
 
Le bâtiment voyageurs a été conservé et l'emprise de la gare a été reprise par le Conseil général pour stocker du matériel de voirie.
(Photo 2018)

Pour plus d'informations sur la gare de Marchenoir-Saint Léonard, consulter le Bulletin municipal 2010 de Saint Léonard-en-Beauce.

Je remercie MM. Jean-Claude Bigot et Sylvain Monédière pour les documents précieux qu'ils m'ont transmis.

Notes :
  • 1 Monsieur Henri Terrier d'Autainville était de son vivant considéré comme la mémoire verbale de la région proche de la forêt de Marchenoir. Monsieur Jean-Claude Bigot de St Léonard-en-beauce qui m'a aidé dans mes recherches m'en a témoigné. 

    2 La charbonnette est un bois, de faible dimension, destiné à la carbonisation, pour faire du charbon de bois.
    Ce peut être aussi du bois de chauffage de faible dimension.
  • 3 La cognée pesait environ 2 Kg. Les plus grosses pouvaient atteindre les 5 livres.
  • 4 Le type 3 a été remplacé en 1910 par le type "Progrès" avec la même puissance, soit 20 Cv.

    5 Tramways Électriques du Loir-et-Cher.
  • 6  Un callot était une souche qui restait en terre après l'abattage d'un arbre et qui était coupé au niveau du sol. La longueur des callots faisaient aussi office de litiges (25 à 35 cm ou 10 à 12 cm).

    7 Bois scié à quatre arrêtes vives (90°).
  • 8 Ligne Blois—Ouzouer-le-Marché via Oucques est ouverte en 1888 et fermée en 1934. Son prolongement vers Orléans est mis en service en 1895.
  • 9
  • 10

Sources :

  • Les documents transmis par Monsieur Jean Claude Bigot, historien local et acteur du développement culturel de Saint Léonard-en-Beauce.
  • Le témoignage manuscrit de Monsieur Henri Terrier d'Autainville qui a gardé en son temps la mémoire verbale du lieu.
  • Extrait du journal des débats politiques et littéraires du 28 avril 1908, mis en ligne par la BNF, le 14 novembre 2007 (Gallica) sur "La crise des forêts".- Auguste Pawlowski (1881-1946)
  • Les Forestiers - Gérard Boutet - 1997 - Ed. Godefroy Jean-Cyrille
  • Étude sur les petits chemins de fer forestiers - Edmond Thiéry - 1889 - Imprimerie Berger Levrault et Cie Nancy
  • Construction et exploitation des chemins de fer à voie de 0,60m  - Régis Tartary - 1891 - Baudry et Cie 
  •  "Fraternité dans la forêt. La création, le pouvoir et l'échec des syndicats de bûcherons en Loir-et-Cher 1852-1914." - Alan R. H. Baker - Mémoire de la Société des sciences et lettres  de Loir-et-Cher - Tome 40 - 1985.
  • Forêts de France - page 34 - janvier/février 2018
  • Ma visite du site

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